1er RCP - Les débuts

Le 1er RCP est créé officiellement le 1er juin 1943 à Fez, au Maroc, à partir du 1er BCP dissous. Il s’articule à l’époque autour d’un état-major, une compagnie des services, une compagnie d’appui et deux bataillons comprenant chacun une compagnie d’appui et trois compagnies de fusiliers. L’effectif est de 1700 hommes environ. Son encadrement est confié au commandant Hartemann, rapidement remplacé par l’un des pionniers du parachutisme militaire en France, le commandant Sauvagnac.

Les deux bataillons, l’école de Saut et l’état-major qui le constituent sont respectivement commandés par les capitaines Mayer, Fleury, Audebert et Tatin.

 

Organigramme du régiment à la fin du conflit
Vosges-Alsace et Avord


Le 1er RCP est en fait l’héritier des premières unités de parachutistes françaises, les compagnies d'infanterie de l'air, formées en avril 1937 au sein de l’armée de l’air. Ces compagnies sont subordonnées aux groupes d’infanterie de l’air 601 et 602, basés respectivement à Reims et Alger, qui comprennent, outre une compagnie de fusiliers, des services et une escadrille de transport.

L’effectif de chaque compagnie, qui s’articule autour de 2 pelotons de fusiliers et 1 peloton d’engins est en théorie de 208 parachutistes (8 officiers, 25 sous-officiers et 175 hommes de troupe). Dans la réalité, le cumul des brevets de parachutistes délivrés pour l’ensemble des deux unités ne dépasse pas le nombre de 230.

Les deux groupes, qui n’ont pu démontrer leur spécificité en étant engagés dans une opération aéroportée lors de la campagne de 1940, sont regroupés à Alger après l’armistice et finalement dissous le 27 juin 1940.

En mars 1941, le capitaine Sauvagnac, qui commandait la compagnie de fusiliers du 601e GIA, rassemble une partie des personnels des deux groupes dispersés en Afrique du Nord et crée, à Alger, la Compagnie de l’air n°1. La compagnie déménage à Fès au Maroc à la fin de janvier 1943 puis, le 1er février 1943, devant l’afflux de nouveaux volontaires provenant notamment des évadés de France, devient le 1er bataillon de chasseurs parachutistes.

Le 1er mai 1943, le 1er BCP est dissous et, renforcé d’un second bataillon, devient le mois suivant le 1er régiment de chasseurs parachutistes. Son commandement est confié au colonel Hartemann (brevet 785), puis au commandant Sauvagnac et, en juillet de la même année, au colonel Geille. Le régiment se voit attribuer le drapeau de la 81e escadre aérienne le 14 juin 1943 des mains du général Gama.

 

Drapeau de la 81e escadre



L’instruction parachutiste des recrues est dispensée par la 82e division aéroportée US au camp d’Oujda, au Maroc, en octobre 1943. Entièrement équipés à l’américaine, une partie des effectifs étant brevetée, le 1er RCP rejoint Alger à la fin de cette même année.

En avril 1944, le régiment est transféré en Sicile, plus précisément à Trapani, et se prépare à sauter sur l’Ile d’Elbe afin de neutraliser les Blockhaus qui défendent l’accès. Un exercice en vraie grandeur est même organisé sur une île voisine avec le parachutage complet du régiment en 2 vagues successives de 52 puis 25 Dakotas. Mais par crainte de la DCA, l’opération Brassard (17 au 19 juin 1944) se déroule sans l’intervention du régiment qui se voit transférer à Rome en attendant de rejoindre la France, à Valence, en septembre.

C’est durant le séjour en Sicile que les fanions des compagnies sont confectionnés pour les deux premiers bataillons. Le drapeau du régiment et les fanions unités seront bénis par le pape Pie XII, le 14 juillet 1944, en l’église saint Louis des Français lors du séjour de l’unité à Rome.

L’illustration proposée ci-dessous donne des versions reconstituées des emblèmes des différentes composantes du 1er RCP à l’époque. Les dessins sont issus soit de photographies récentes des fanions, soit obtenus à partir de déductions faites de photographies d’époque. Ainsi, les fanions de la 2e compagnie et du 2e bataillon proviennent de photographies d’époque (les couleurs sont donc supposées), tandis que le fanion de la 6e compagnie, visible lors du défilé du 11 novembre 1945 sur les Champs Élysées, est directement inspiré de celui de la compagnie de commandement du 1er BCP.

Fanions des unités du 1er RCP - Sicile


Pour les couleurs manquantes et la validation des modèles, je me suis laissé guidé par le formulaire utilisé pour les citations des hommes dont un exemplaire m’avait été envoyé par le regretté Ernest Morin.

Citation du 1re classe Morin


Le 1er RCP a longtemps espéré être engagé dans une grande opération aéroportée pour libérer le sol français et notamment lors du débarquement en Provence le 15 août 44.

Ils ne seront finalement que 28 chasseurs (17 du 1er RCP et 11 du bataillon de chocs), tous originaires de la région et sélectionnés pour leur connaissance du terrain et du patois local, à pouvoir participer à l’opération Dragoon. Les chasseurs français, commandés par le capitaine Boffy, sont répartis au sein des différentes unités anglo-américaines du général Robert T. Frédérik.

Dans son rapport d’opération, le capitaine Boffy, parachuté sur la Motte, explicite son rôle qui consiste à prendre contact avec la résistance locale, rétablir la souveraineté des maires dans les communes libérées et réaliser l’interface entre les troupes américaines et la population afin d’aider la progression.

Enfin sur la terre de France et à nouveau sur le pied de guerre, le 1er RCP s’attend à être engagé dans une opération prévue sur Thann et Cernay dans les Vosges. Mais nouveau désenchantement pour les chasseurs parachutistes, l’intervention est annulée et l’unité se retrouve dans un rôle de fantassin aux côtés de la 1re DB pour son baptême du feu.

Les chasseurs de Geille vont ainsi s’illustrer en octobre 1944 au col de Morbieux, à la crête de la Forêt du Géhant puis au col du Menil comme en témoigne la première citation à l’ordre de l’armée reçue par le régiment. Les pertes sont importantes puisque 40% des effectifs sont hors de combat parmi lesquels 129 tués sont dénombrés soit 13 officiers, 21 sous-officiers et 95 chasseurs.

Le 28 novembre, le commandant Faure prend le commandement du régiment qui est transféré en Alsace. L’unité est d’abord affectée à la 2e DB et engagée dans les combats de libération au sud de Strasbourg jusqu’à fin décembre (Gershteim, Herbsheim, Witternheim et Frieshenheim). Après une courte période de repos, elle rejoint le 20 janvier 1945 le Combat Command 6 de la 5e DB, ces unités inter-arme inspirées des subdivisions américaines, et est engagée dans la réduction de la poche de Colmar où elle s’illustre à nouveau (Orbey, Guemar, Jebsheim, Windensolen).

La bataille d’Alsace a également été particulièrement meurtrière pour le régiment qui compte 60% de ses effectifs hors combat dont 176 tués, soit 9 officiers, 36 sous-officiers et 131 chasseurs. Ce fait d’arme lui procure néanmoins la deuxième palme de la croix de guerre qui orne son drapeau.

Grace à l’afflux de renforts et notamment du bataillon de FFI parisiens Hémon, les pertes des 2 bataillons sont compensées, et un 3e bataillon peut voir le jour le 20 janvier 1945. Son organisation est similaire à celle des deux premiers : trois compagnies de fusiliers et une compagnie d’accompagnement, mais il sert principalement de dépôt pour les effectifs convalescents ou blessés lors des derniers combats. Son commandement est confié au commandant André.

Le 5 avril, après un passage par Lons-le-Saulnier, le régiment, qui est désormais rattaché à la 1ère Armée Aéroportée Alliée, rejoint la base aérienne d’Avord dans le centre de la France. Il va ainsi pouvoir breveter les nouveaux incorporés et perfectionner l’entrainement du reste de l’unité en vue d’une opération aéroportée sur l’Allemagne ou en extrême orient.

Mais c’est une nouvelle déception pour les paras de Faure… le régiment ne sera pas employé dans une opération aéroportée car l’Allemagne capitule le 8 mai !

À titre de consolation, les 3 bataillons au complet auront néanmoins l’occasion d’effectuer un exercice aéroporté sur la localité de Nérondes, entre Avord et Nevers, le 18 mai 1945.

L’illustration ci-dessous donne une reproduction des nouveaux fanions confectionnés pour le 3e bataillon.

Fanions des unités du 1er RCP - Avord

À noter que le fanion de la 14e compagnie est extrapolé de celui de la 10e compagnie en Indochine de par sa ressemblance constatée sur une photo prise à Idron.

Fanion de la 14e Cie


Le 1er RCP, a perdu 305 des siens dans les combats de la libération et l’équivalent de ses effectifs à son arrivée en France a été mis hors de combat. Il sera présent lors du défilé du 14 juillet 1945 à Paris avec son drapeau orné de la croix de guerre avec deux palmes pour ses citations dans les Vosges et en Alsace.

Le lendemain, il est intégré à la toute nouvelle 24e division aéroportée (24e DAP)  et quitte définitivement l’armée de l’air pour rejoindre l’armée de terre le 1er août. En souvenir de ses origines, les chasseurs du 1er RCP continueront néanmoins de porter le charognard sur leurs épaulettes (orientation inversée par rapport à l’armée de l’air).

À la fin de septembre, le régiment quitte Avord et rejoint le sud-ouest, son 1er bataillon s’installe à la citadelle de Bayonne, le PC et le 2e bataillon à la caserne Bernadotte à Pau et le 3e bataillon au camp d’Idron.

Le 1er octobre 1945, tandis que le lieutenant-colonel Faure rejoint l’état-major de la division pour en prendre la tête, le 1er RCP voit le retour de son créateur, le lieutenant-colonel Sauvagnac.

Cette première grande période pour les combattants de la seconde guerre mondiale se finalise à Pau le 2 février 1946, date anniversaire de la libération de Colmar, par la remise de la fourragère aux couleurs de la croix de guerre 39-45 des mains du commandant de la nouvelle 25e DAP, le  général Bonjour.

 Défilé du 11 novembre 1945 à Paris


Mais un nouveau conflit se dessine et attend déjà le 1er chasseur para. Malgré l’opposition du chef de corps, deux compagnies de marche sont formées pour constituer les deux bataillons SAS destinés à renforcer le corps expéditionnaire en Indochine au sein de la demi-brigade de Bollardière qui sera créée officiellement sur place le 1er juillet 1946. À leur tête, deux officiers du régiment, les capitaines Charvet (ex commandant de la 4e compagnie) et Bodolec (nouveau venu au 1er RCP, mais ancien des SAS), qui tous les deux ont combattu dans les troupes parachutistes durant le dernier conflit.

L’apport du régiment pour constituer la demi-brigade SAS en Indochine est considérable puisque sur les 56 officiers qui constituent son encadrement 24 proviennent du 1er RCP soit près de 45% ! La compagnie Charvet quitte Toulon le 9 février à bord du Suffren tandis que celle de Bodolec embarque à Marseille le 13 mai sur La Ville de Strasbourg.

La pénurie de personnels liée au retour à la vie civile des combattants engagé pour la durée de la guerre et la saignée sur les effectifs pour constituer les bataillons SAS imposent une réorganisation de l’unité et signent la dissolution du 3e bataillon.

Ainsi, c’est un 1er RCP réduit à 2 bataillons qui s’installe à Sétif en avril 1946.

Mais les besoins en renforts pour l’Indo sont toujours plus pressants. Cette fois ce sont 2 bataillons prélevés sur le 1er RCP associés au 1er bataillon de choc (1er BPC) qui partent former la demi-brigade de marche parachutiste (DBMP). À sa tête, le lieutenant-colonel Sauvagnac qui emmène avec lui le drapeau, sa compagnie de commandement, le 1er bataillon (chef de bataillon de Vismes) et le 3e bataillon (chef de bataillon Fossey-François) qui vient d’être reconstitué en juin 1946 à partir du 2e bataillon du 2e RCP.

En Algérie, il ne reste plus qu’un embryon du régiment restreint au 2e bataillon.

En février 1947, lors d’une nième réorganisation de la 25e DAP, ce bataillon restera la seule unité d’infanterie parachutiste du GAP 1 (Groupement AéroPorté d’Algérie).

Le 30 juin 1948, lors du début du rapatriement d’Indochine du 3e bataillon, le 1er RCP est dissous et disparait en tant qu’unité constituée, ses bataillons formant corps.

Remerciements

Je tiens à remercier l’officier des traditions du 1er RCP pour les précieuses informations qu’il m’a communiquées et surtout pour la patience dont il a fait preuve pour apporter des corrections au texte et surtout m’aider à reconstituer les différents fanions.

Sources

  • Raymond Muelle – Béret Rouge en Indochine – Presses de la Cité - ISBN 2-258-01909
  • Georges Fleury – Le 1er régiment de chasseurs parachutistes –Tome 1 (1935 – 1945) – Lavauzelle - ISBN 2-27025-0021-8
  • Pierre Dufour – Chasseurs parachutistes 1935 – 2005 – Lavauzelle – ISBN2-7025-1287-9
  • Collectif – Histoire des parachutistes français - Volume 1 – Société de production littéraire

In memoriam

Je dédie cet article à Ernest Morin, ancien du 1er RCP, décédé le 26 mars 2021. Je remercie le ciel d’avoir pu communiquer avec ce monsieur très agréable, plein d’humour et il faut bien l’avouer très au fait des nouvelles technologies !

En 2012 il avait terminé l’un de ses messages par la phrase suivante :

''Il faut vite en profiter, je ne suis pas le Père Éternel, et mes facultés cognitives ont atteint leurs limites. Lol''

Annexes

Liste des officiers tués lors du second conflit mondial

La liste ci-dessous est issue des différents mémoriaux dédiés à l'unité ou aux combats du second conflit mondial et recoupée avec les informations accessibles sur le site mémoires des hommes.
NomPrénomGradeLieuCombatsDate
BASSETLéonSous-LieutenantGerstheimAlsace15/12/1944
BERGEHenriAspirantSélestatAlsace02/10/1944
BLATRIXAdrienLieutenantSélestatAlsace01/02/1945
BRIOTAlexandreLieutenantRupt-sur-MoselleVosges16/10/1944
CANCELPhilippeLieutenantRupt-sur-MoselleVosges16/10/1944
CASTAYPierreCapitaineJebsheimAlsace26/01/1945
CHEVALIERFernandCapitaineRupt-sur-MoselleVosges08/10/1944
COMBOULBernardAspirantRupt-sur-MoselleVosges04/10/1944
COURNOUJean PaulSous-LieutenantGerstheimAlsace15/12/1944
DE CROYHumbertSous-LieutenantGranruptVosges04/10/1944
DUMASPierreSous-Lieutenantnon préciséVosges05/10/1944
EXPERTPierreLieutenantJebsheimAlsace28/01/1945
FERRANAndréAspirantRupt-sur-MoselleVosges13/10/1944
GARITANJeanMédecin capitaineRupt-sur-MoselleVosges21/10/1944
GRANELHenriLieutenantGerstheimAlsace14/12/1944
HOLSTEINHenryAspirantLureVosges16/10/1944
JAMBONRobertLieutenantRupt-sur-MoselleVosges16/10/1944
LAMBERTRenéLieutenantJebsheimAlsace28/01/1945
LEFRANCPierreSous-LieutenantGerstheimAlsace14/12/1944
MANINEAndréMédecin capitaineRupt-sur-MoselleVosges06/10/1944
MORELJeanCapitaineKherbaAlgérienon connue
SALINSPierreAspirantFarges-en-SeptaineCher16/04/1945
SANDLERMauriceLieutenantTrapaniItalie30/03/1943
VERASLouisSous-LieutenantRupt-sur-MoselleVosges07/10/1944
VUCHOTGastonCapitaineBesançonAlsace03/02/1945

Commentaires

Articles les plus consultés

14e Régiment de Chasseurs Parachutistes

Le 2e BEP à Nghia Lo - octobre 1951