Le 1er Bataillon Étranger de Parachutistes

Historique du 1er BEP

Premier Camerone du bataillon

Pierre Segrétain
À partir du 13 mai 1948, les premiers volontaires provenant des unités de Légion d’Algérie se rassemblent autour du groupement d’instruction parachutiste qui vient d’être créé au camp de Khamisis au sud de Sidi Bel Abbès en Algérie. Le commandement du groupement est confié au lieutenant Colin tandis que les cadres proviennent d’unités parachutistes.

Le 1er BEP voit officiellement le jour le 1er juillet 1948. Deuxième unité du genre, une compagnie parachutiste vient d’être créée au sein du 3e REI au Tonkin, son premier chef de corps est le capitaine Pierre Segrétain. Breveté récemment à Pau, il vient du 1er RCP mais c’est en fait un ancien de la Légion puisqu’il a fait ses armes au sein des 1er, 2e, 3e et 6e REI puis du RMLE lors des campagnes de France et d’Allemagne.

L’unité comprend au départ 350 hommes répartis dans 3 compagnies de fusiliers voltigeurs et une compagnie de commandement (CCB). L’adjoint du chef de corps n’est autre que le capitaine Jeanpierre, un ancien de la légion lui aussi, qui sera le futur commandant du 1er REP en Algérie.

La troupe est rapidement formée au parachutisme à Philippeville, au centre d’entrainement au saut n° 1. Compagnie par compagnie, les hommes sont brevetés durant l’été et embarquent finalement le 24 octobre à Mers-el-Kébir, sur le Pasteur, à destination de l’Extrême-Orient. Ils voyagent avec une autre unité parachutiste, le 3e BCCP du chef de bataillon Ayrolles dont l’un des commandants de compagnie, à l’époque dans la colo on dit ‘’groupe de commandos’’, n’est autre que le capitaine Bigeard !

A son arrivée en Indochine, le bataillon est directement dirigé vers Hanoï et s’installe à la gare de Gia Lam. Durant près de deux ans, que ce soit par voie terrestre ou aérienne, l’unité va intervenir sans discontinuer au Tonkin : Tuyen Quang, vallée du Song Chay, rivière Claire, Vinh Yen, Loung Phai, Hoa Binh, Thai Binh, …
En juin 1949, il intègre dans ses rangs la compagnie parachutiste du 3e REI et déménage à la cité universitaire de Bach Mai en juillet 1950.

Finalement, 1er BEP est parachuté sur That Khé les 17 et 18 septembre 1950. Il participe à l’évacuation des postes de la RC4 au sein de la colonne Le Page envoyée pour recueillir la garnison de Cao Bang. L’opération tourne au désastre et l’unité est totalement anéantie le 8 octobre dans les calcaires de Coc Xa, perdant au passage son chef de corps.


Commandant Vieulès
Le BEP déplore 497 hommes et cadres morts ou disparus dans l’opération : 21 officiers, 46 sous-officiers et 430 légionnaires. Seuls 3 officiers, dont Jeanpierre, 3 sous-officiers et 22 légionnaires se sortent de la tragédie et quelques dizaines de prisonniers seront restituées à la libération des camps à l'issue des accords de Gevève.

Le premier 1er BEP a vécu, le bataillon est dissous administrativement le 31 décembre 1950, tandis qu’une compagnie de marche, aux ordres du capitaine Jeanpierre puis du capitaine Vieules, constituée des rescapés et des effectifs de la base arrière, soit environ 150 hommes, maintient les traditions de l’unité au sein du 2e BEP.

Premier chef de corps d’une unité Para-Légion mort en opération, le chef de bataillon Segrétain est le parrain de la 193e promotion de Saint-Cyr (2006-2009).
Promotion Segrétain
Saint-Cyr (2006-2009)

Anecdote : le béret vert de la Légion fut d’abord attribué aux unités parachutistes de ce corps. Très controversé au départ, notamment par le commandement, la nécessité d’une coiffure identiques aux autres troupes aéroportées finit par s’imposer. Pour la couleur, il fut un temps envisagé une version vert et rouge. Finalement, le rouge étant déjà porté par les paras-colo le vert s’imposa. Mais il ne fut pas pour autant adopté ! A l’ère Segrétain il n'était pas porté, il faut attendre la reconstitution du BEP au printemps 51 pour qu’il soit enfin institutionnalisé !

Encadrement durant la période

Lors de la première existence du bataillon, l’encadrement des compagnies est le suivant :

Chefs de corps

  • 07/48 – 10/50 : chef de bataillon Segrétain (†).

Compagnie de Commandement

  • 07/48 – 03/49 : capitaine Lucas,
  • 03/49 – 04/50 : lieutenant Laborde,
  • 11/48 – 12/50 : lieutenant Deborde.

1re compagnie

  • 07/48 – 08/48 : capitaine Darmuzai,
  • 08/48 – 12/49 : lieutenant de Carvalho,
  • 12/49 – 10/50 : capitaine Garrigue (†).

2e compagnie

  • 07/48 – 07/48 : capitaine de Charpin,
  • 07/48 – 11/48 : lieutenant Hochart,
  • 11/48 – 10/50 : capitaine Bouyssou (†).

3e compagnie

  • 07/48 – 07/48 : lieutenant Delhomme,
  • 07/48 – 10/50 : capitaine de Saint-Etienne (†).

Un nouveau 1er BEP

Colonel Darmuzai
Le bataillon est reconstitué le 1er mars 1951 autour de la compagnie de marche renforcée de 84 hommes provenant du 2e BEP. Créé au départ sous le nom de bataillon A, il attend l’arrivée des 500 hommes du 3e BEP (13/32/441) partis d’Algérie à bord du Pasteur et qui rejoindront Hanoï le 15 mars avec à sa tête le capitaine Morin, le glorieux chef de corps de la compagnie para du 3e REI, la première unité parachutiste de la Légion.
Le chef de bataillon Darmuzai, qui doit prendre la tête du nouveau BEP, est quant à lui arrivé en précurseur par avion le 1er mars avec trois de ses officiers.

Le désastre de la RC4 a contrecarré les projets du commandement qui prévoyait de remplacer Segrétain et son adjoint Jeanpierre, arrivés tous les deux en fin de séjour, respectivement par Masselot et Raffalli. L'anéantissement de l’unité a conduit à l’envoi massif du 3e BEP avec à sa tête son chef de corps, le chef de bataillon Darmuzai. Raffali a naturellement rejoint la tête du 2e BEP. C’est de Lattre en personne qui remet le fanion de l’unité à Darmuzai le 11 mai 1951 lors d’une prise d’arme à la cité universitaire de Bach Maï.

L’unité s’articule au départ autour de deux compagnies de combat et d’une compagnie de commandement. Rapidement elles sont renforcées, vers mi-mai, par une compagnie de parachutistes autochtones, la 1re CIPLE (1re Compagnie Indochinoise Parachutiste de Légion Étrangère), et d’une section vietnamienne par compagnie.

En novembre 1952, une troisième compagnie est créée tandis qu’une compagnie de mortiers lourds, la 1re CEPML, voit le jour début septembre 1953.

Général de Lattre de Tassigny

De Lattre veut reprendre la main après le désastre de la RC4 et les unités parachutistes sont largement mises à contribution. Dès son arrivée en Indochine, le nouveau 1er BEP est engagé dans le delta du Tonkin, puis c’est un saut opérationnel sur Cho Ben le 10 novembre (opération Tulipe) qui contribue à la prise de Hoa Binh. En décembre et janvier l'unité est engagée dans la bataille de la rivière Noire (opération Violette).

Le 21 juin 1952, Darmuzai est remplacé par le chef de bataillon Brothier. Issu de la 13e DBLE, ce légionnaire dans l’âme, va insuffler une nouvelle dynamique au bataillon qui le rendra bien plus populaire que son prédécesseur aux yeux de la troupe et de l’encadrement.

Le 9 novembre, le BEP est parachuté dans le cadre de l’opération de diversion Marion, point de départ de la bataille du camp retranché de Na San (23 novembre au 2 décembre 1952).

Au début de l’année 53, le bataillon intervient sans relâche principalement dans le nord du Vietnam (delta du Tonkin, Hauts plateaux) mais également au sud Annam. Le commandant Brothier, gravement blessé avec l’ensemble de son état-major le 4 avril dans la région de Ha Dong, doit céder sa place.

Avec le capitaine Guiraud à sa tête, le BEP reprend les opérations en centre Annam, Laos et plaine des Jarres puis rejoint à nouveau le delta où il participe à l’opération Brochet en septembre et octobre.

Le 1er septembre 1953 voit la création de la 1re Compagnie Étrangère Parachutiste de Mortiers Lourds (1re CPMLE) à partir d’éléments des deux BEP. L’unité est rattachée au 1er BEP.

Lorsqu’il est largué le 21 novembre 1953 sur la petite ville de Dien Bien Phu, le 1er BEP ne sait pas encore qu’il court vers son deuxième Camerone. L’opération d’investigation se déroule sans trop de casse avec les autres unités parachutistes impliquées : 6e BPC de Bigeard, II/1er RCP de Bréchignac, 1er BPC de Souquet, 8e BPC de Touret et 8e BPVN de Bouvery ainsi que les 17e CGP, 35e RAP et l’ACP n°1). Il s’agit de la plus importante opération aéroportée de l’histoire de la guerre d’Indochine!

L’unité s’installe au centre du dispositif à proximité du Point d’Appui (PA) Claudine au bord de la rivière Nam Youn. Utilisée comme unité d’intervention du commandement, le BEP ne va cesser d’opérer des reconnaissances et des nettoyages tout autour de la cuvette.

Les combats qui se déroulent du 13 mars au 7 mai vont une nouvelle fois anéantir le 1er BEP qui sera regroupé un temps avec son bataillon frère, le 2e BEP, pour former un bataillon de marche étranger de parachutistes aux ordres de Guiraud.

Aux 316 tués et disparus au sein du seul 1er BEP durant les combats, il faut ajouter les décès de ceux qui ne rentreront jamais de captivité, c’est-à-dire les deux tiers de ceux capturés ce 7 mai 1954.

C’est le capitaine Chalony, commandant de la base arrière du BEP, qui remonte petit à petit le bataillon à partir des effectifs existants, des blessés et des maintenances en provenance de Bel Abbès.

Le capitaine de Saint Marc prend le commandement provisoirement à son retour en Indochine début juillet et le 1er novembre, l’unité est finalement confiée au chef de bataillon Jeanpierre qui dispose désormais de 584 hommes.
Colonel Jeanpierre

Le 1er février 1955, le 1er BEP est transféré à Saïgon d’où il embarque le 8 à destination de Zéralda, en Algérie. Tout de suite mis à contribution dans les Aurès , le bataillon devient régiment le 1er septembre de cette même année.

Encadrement durant la seconde période

Pour la seconde période, il se décline ainsi :

Chefs de corps

  • 03/51 – 07/52 : chef de bataillon Darmuzai,
  • 07/52 – 10/53 : chef de bataillon Brothier,
  • 10/53 – 05/54 : chef de bataillon Guiraud,
  • 06/54 – 07/54 : capitaine Chalony,
  • 07/45 – 08/54 : capitaine Hélie Denoix de Saint Marc,
  • 08/54 – 10/54 : capitaine Scherma,
  • 10/54 – 11/54 : capitaine Germain,
  • 11/54 – 11/54 : capitaine Jeanpierre.

Compagnie de Commandement

  • 03/51 – 10/53 : lieutenant Gamas,
  • 10/53 – 02/54 : lieutenant Lecocq,
  • 02/54 – 05/54 : lieutenant Nomura,
  • 05/54 – 12/54 : lieutenant Molinier,
  • 12/54 – 06/55 : capitaine Le Bras,
  • 06/55 – 06/55 : capitaine Faulques.

1re compagnie

  • 03/51 – 05/51 : lieutenant de Preville,
  • 05/51 – 04/53 : lieutenant Le Bras ou Le Braz,
  • 04/53 – 05/54 : capitaine Verguet,
  • 05/54 – 05/54 : capitaine Abraham.

2e compagnie

  • 03/51 – 05/51 : capitaine Morin,
  • 05/51 – 05/52 : lieutenant Buonfils,
  • 05/52 – 11/52 : capitaine Menard,
  • 11/52 – 05/54 : lieutenant Brandon,
  • 06/54 – 08/54 : chef de bataillon Kenbaul,
  • 08/54 – 08/57 : capitaine Giese.

1re CIPLE (future e compagnie)

  • 05/51 – 05/52 : lieutenant Allaire,
  • 05/52 – 05/53 : lieutenant Bouchacourt,
  • 05/53 – 11/53 : lieutenant Bertrand,
  • 11/53 – 05/54 : capitaine Cabiro,
  • 06/54 – 08/54 : lieutenant du Touchet,
  • 08/54 – 10/54 : sous-lieutenant Hazan,
  • 10/54 – 10/54 : lieutenant Dupoux.

3e compagnie

  • 11/52 – 10/53 : capitaine Morin,
  • 10/53 – 05/54 : lieutenant Martin,
  • 06/54 – 10/54 : lieutenant du Touchet,
  • 10/54 – 10/54 : capitaine de Noix de Saint Marc.
A l’issue de la première période, le bataillon sera cité à l’ordre de l’armée (JO du 3 décembre 1950) ce qui rapportera au fanion la croix de guerre des TOE avec une palme. Il sera à nouveau cité quatre fois (Journal Officiel des 25/1/51, 28/6/52, 17/12/53 et 25/4/54) lors de sa seconde existence en Indochine.

Le fanion de l’unité est orné de la croix de guerre des TOE avec 5 palmes et porte la fourragère jaune rayée de vert aux couleurs de la Médaille Militaire.

Promotion Jeanpierre
Saint-Cyr EOR 1972

Les insigne du 1er BEP

Durant sa courte existence, l'unité ne fut dotée que d'un seul type d'insigne. Ses composantes donnèrent rarement lieu à la création d’insignes spécifiques. Il existe cependant une exception avec la 1re CEPML (Compagnie de Mortier Lourds) et, sous toute réserve, avec le commando Constant.

Insigne de l'unité

L’insigne a été créé en 1948 par le commandant Segrétain, premier chef de corps du 1er BEP. L’insigne fut fabriqué par la maison Drago et l’on retrouve plusieurs signature possible au verso : Drago Béranger, Drago Olivier Metra, Drago Romainville, Drago Paris Nice et Drago Paris. Le dos peut être soit lisse, guilloché ou pointillé.

Insigne du 1er BEP

Il existe des variantes locales fabriquées en Indochine à partir de moulages effectuées à partir d’insignes Drago.
Variante artisanale

Héraldique

Écu d’argent ; au centre, devant un parachute, grenade à sept flammes, entourée de deux ailes, soutenue par une banderole verte et rouge et l’inscription 1er BEP.

Signification

La grenade à sept flammes et les couleurs verte et rouge symbolisent l’appartenance de l’unité à la légion étrangère. Le parachute et les ailes précisent la vocation aéroportée.

Compagnie de Mortiers Lourds

La première compagnie étrangère parachutiste de mortier lourds (ou 1re CEPML) est constituée le 1er septembre 1953, à Hanoï, à partir d’éléments des 2 BEP existants. L’unité, commandée par le lieutenant Molinier, était rattachée au 1er BEP. Anéantie à Dien Bien Phu, la compagnie est dissoute le 1er juin 1954.
L’unité fut également commandée par les lieutenants Bergot, Turcy et Cingland.


1re CEPML

Héraldique

Sur un fond de parachute entouré de deux ailes en forme de V, grenade à sept flammes rouges à bombe verte extérieure, noire au centre, frappée du chiffre « 1 », brochant sur deux tubes de mortiers entrecroisés.

Signification

L’insigne, qui a été créé par le lieutenant Molinier en 1953, reprend la symbolique de la Légion étrangère avec la grenade à sept flammes et les couleurs verte et rouge, et celle des unités aéroportées avec le parachute et les deux ailes. Les deux mortiers croisés indiquent la vocation de l’unité. La disposition des principaux symboles (parachute, grenade et ailes) n’est pas sans rappeler cette du 1er BEP.

Commando Constant

Ce commando, créé par le sergent Kopatoff en 1949, comprenait une dizaine de « retournés » Viet Minh. Le caporal Boris Constant, de son vrai nom Roger Alexandre Lavaudi, repris l’unité à la mort de son chef le 16 février 1950.

Commando Constant

Héraldique

Cercle d’argent, portant les inscriptions ‘’COMMANDO CONSTANT’’ et ‘’ON S’EN FOUT’’ ; au centre, sur fond de parachute, grenade à sept flammes chargée d’une étoile à cinq branches.

Signification

La Légion est représentée par la grenade à sept flammes, l’étoile à cinq branches rappelle la provenance Vietminh des effectifs. Le poignard et le parachute symbolisent respectivement le rôle commando et aéroportée de l’unité. Il existe une controverse quant à l’authenticité de cet insigne, notamment du chef de l’unité (Cf. journal Minute n° 1262), qui pourrait avoir été créé après son départ d’Indochine.

Sources et bibliographies

  • Pierre Sergent, Je ne regrette rien – La poignante histoire des légionnaires parachutistes du 1er REP.
  • Pierre Montagnon, Les parachutistes de la Légion 1948 – 1962.
  • Jean-Pierre Pissardy, Paras d’Indochine 1944 – 1954.
  • Raymond Guyader, La Légion étrangère en Indochine 1946 – 1956.
  • Képi blanc – HS n°1 de 2008 consacré aux Légionnaires parachutistes 1948 – 2008.
  • Collectif, Histoire des parachutistes français.
  • Tibor Szecsko, Le grand livre des insignes de la Légion étrangère.

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