Les premières divisions aéroportées

Divergences de vue

Un parachutiste de 1944

À la sortie du second conflit mondiale s’affrontent deux conceptions d’emploi des troupes aéroportées en France. D’un côté on trouve le modèle commando prôné par les anciens des Forces Françaises Libres et de l’autre le modèle divisionnaire préconisé par les vétérans de l’armée d’Afrique.
Ainsi, les opérations commando sont des actions dans lesquelles les troupes aéroportées agissent seules, sur des fronts généralement secondaires, soit pour désorganiser l’ennemi soit pour réaliser une diversion. À l’opposé, dans un concept divisionnaire les unités aéroportées interagissent dans un mouvement global avec des troupes terrestres et des formations aériennes.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, les parachutistes français n’ont été employés que dans des opérations commando, même si parfois ils interagissaient avec des troupes au sol de type FFI. A l’époque, de ces deux conceptions découlent deux organisations possibles, soit le modèle britannique adopté par les unités SAS regroupés en brigade soit le modèle divisionnaire de l’armée américaine.

Il est à noter que les britanniques abandonneront à leur tour la doctrine commando au profit du modèle divisionnaire le 5 octobre 1945 avec la dissolution de la brigade SAS.

L’éphémère 24e division aéroportée

Finalement, c’est la conception portée par le général Juin et l’État-major de la défense Nationale qui est choisie pour les deux futures divisions aéroportées. Ainsi, le 16 juillet 1945, est créée sur le modèle américain de 1945 la 24e division aéroportée (24e DAP) à partir des unités parachutistes existantes et d’éléments des 29e DI et 2e DICEO. Son commandement est confié au général Bonjour anciennement chef d’état-major du 2e corps d’armée.

Quasi simultanément, le 1er aout 1945, les unités parachutistes de l’armée l’air (1er, 2e et 3e RCP) basculent au sein de l’armée de terre. Le concept divisionnaire se veut moderne et son ambition est de rompre avec l’arme d’avant-guerre en constituant un corps d’élite capable à la fois d’intervenir avec les alliés dans un conflit mondial et de maintenir l’ordre dans l’ensemble de l’Empire.

Organigramme de la La 24e DAP

L’infanterie de la 24e DAP est composée du 1er RCP d’Avord, des 2e et 3e RCP de Nantes qui viennent de quitter la brigade SAS britannique et du 4e RIA nouvellement formé à Quiberon. Ce dernier, qui doit constituer l’infanterie « planée » de la 24e DAP, est une unité constituée à partir des FFI du Loir-et-Cher. Son commandant, le lieutenant-colonel de La Vayssière, sera assassiné le 19 décembre 1944.

Cependant, avec la démobilisation la pénurie d’effectifs nécessite rapidement des adaptations de la structure de la division. Le 3e RCP et le 4e RIA sont dissous et viennent compléter le 2e RCP tandis que les bataillons de chocs, stationnés en Allemagne, forment le 1er octobre 1945, le RICAP le nouveau régiment aérotransporté de la division.

Les différentes unités doivent être regroupées dans le sud-ouest : le 2e RCP du lieutenant-colonel de Bollardière s’installe à Tarbes, le 1er RCP, commandé par le lieutenant-colonel Faure puis rapidement par le lieutenant-colonel Sauvagnac, rejoint Pau et Bayonne, quant au RICAP du colonel Gambiez, bientôt remplacé par le lieutenant-colonel Vergoz, il quitte le Wurtemberg entre la mi-octobre et décembre pour s’implanter dans la région bordelaise.

L’état-major, avec à sa tête le lieutenant-colonel Faure, quitte Paris et s’installe à Bayonne le 15 septembre. En plus des unités de soutien et de commandement habituels d’une division (QG, circulation routière, transmissions, transport, réparations, …), des unités d’appui (1/8e chasseur, 11e régiment d’artillerie, 61e groupe de DCA et 79e bataillon du génie), la division se voit adjoindre le Centre d’Organisation et d’Instruction des troupes aéroportées (COITAP), créé le 1er octobre à Mont-de-Marsan et qui est destiné à former les futurs parachutistes et troupes en planeur.

Mais les difficultés de tous ordres s’accumulent pour le nouveau gouvernement qui se voit contraint de supprimer cinq divisions dont la 24e DAP qui est effectivement dissoute le 15 octobre 1945. Les unités conservées sont alors transférées à la 25e DI en cours de transformation pour devenir une division aéroportée.

La 25e division aéroportée

La seconde DAP doit en effet être constituée à partir de la 25e DI, d’origine FFI, commandée par le général Chomel. Constituée le 1er avril 1945, elle opère sur le front de l’Atlantique. Elle comprend les 21e et 32e RI, la 4e DBCP (1er et 5e BCP – 17e BCP FI), le 1er régiment de Hussards le 20e RA, le 125e GFTA, le 91e BG et diverses unités de soutien. Dès la fusion des deux divisions, le commandement de la division est confié au général Bonjour. La 25e DI ne prendra le nom de DAP que le 1er février 1946, son PC est installé à Bayonne.

Insigne de la 25e DAP

L’infanterie de la nouvelle division provient de la 24e DAP (1er RCP, 2e RCP et RICAP) renforcée en novembre par des éléments de l’ancienne 25e DI qui viennent compléter le RICAP (21e RIAP, 4e DBCP).

Les unités d’appui et de soutien de la division sont issues de la 25e DI. Ils comprennent le 1er Régiment de Hussards, le 20e Régiment d’Artillerie, le 36e GAFTA et le 91e Bataillon du Génie pour l’appui ainsi que différents services du train, de l’intendance, de santé et des transmissions (85e CQG, 285e CCR, 625e puis 375e GT, 80e CT, 125e CRM, 125e GEI et 125e BM). Seule la 24e compagnie d’entretien des parachutes (24e CEP) de la 24e DAP est conservée et change d’appellation pour devenir la 25e CEP.

À peine formée, la division qui est toujours stationnée dans le sud-ouest, fait l’objet de ponctions d’effectifs pour constituer un groupe de bataillons SAS destiné soutenir le corps expéditionnaire en Indochine. Le groupement, aux ordres du lieutenant-colonel de Bollardière, comprend un premier bataillon (chef d’escadrons Mollat) qui quitte la Métropole le 4 février 1946. Le second bataillon (commandant de Maurepas) constitué dans la foulée débarque en Indochine le 19 juin.

Cette saignée conduit le commandement à ajuster la taille des unités existantes à partir de février 1946. Les trois régiments d’infanterie sont réduits de 3 à 2 bataillons avec des échanges d’effectifs (le 3e bataillon du RICAP devient ainsi le 2e bataillon du 2e RCP le 6 mars) tandis qu’une réduction des effectifs dans les unités de soutien et d’appui est également opérée. Elle affecte principalement les 20e RA, 36e GAFTA, 91e BG et 625e GT. Les craintes d’un soulèvement en Afrique du Nord tel que celui de Kabylie en mai 1945 conduisent à la décision de transférer la nouvelle division en Algérie. Cette dernière fait mouvement en avril 46 et s’installe dans le nord-est de l’Algérie, entre Alger et Bône :

  • État-major de la division, 85e compagnie de QG et 1er RICAP (nouvelle appellation du RICAP depuis le 1er août) à Alger
  • 1er RCP à Sétif et à Bougie
  • 2e RCP à Bône
  • 1er RICAP à Alger (bataillons 1 et 2 respectivement à Koléa et Maison Carrée)
  • 1er RH à Constantine
  • 91e BG à Hussein Dey près d’Alger
  • 36e GAFTA à Bordj-Bou-Arreridj
  • 20e RAA à Alger puis à Sétif et Bône
  •  80e compagnie de transmissions à Douer
  • 25e Compagnie d’entretien des parachutes
  • 125e compagnie de réparation

L’unité, conservée en réserve générale, est subordonnée à la 10e région militaire. Ses effectifs sont de 7000 hommes (3000 en métropole, 4000 en Algérie dont seulement 1500 sont brevetés) pour un effectif théorique de 9000 hommes. La pénurie de moyens est encore plus criante aussi bien au niveau des avions (JU 52, Dakota et Bloch 161 Languedoc) que des planeurs CM10 qui ne seront jamais commandés. À l’époque, l’Armée de l’Air ne peut emporter que le tiers des effectifs de la DAP.

À la fin de l’été 1946, la question des effectifs et des moyens refait surface. Paradoxalement, l’état-major souhaite augmenter la taille de la division pour passer 17 000 hommes tandis que les réductions budgétaires ne permettent toujours pas son équipement. Les visions s’affrontent entre les partisans de sa dissolution (EMDN) et ceux de son maintien (Ministre des armées, inspection générale de l’Armée de Terre). Sont notamment invoqués des problèmes de casernement en Algérie, la nécessité de pouvoir intervenir hors du constantinois (Tunisie, Maroc) et donc un « besoin d’aération des effectifs ».

Finalement, le Comité de Défense National (CDN) tranche le 17 septembre en opérant un compromis qui conserve la division mais la divise en 3 groupements semi-autonomes, les GAP, embryons éventuels de futures DAP.

Tour de saut - 1947

Le GAP 1 est positionné en Algérie (10e RM), le GAP 2 au Maroc (Marrakech) tandis que le GAP 3 doit être basé dans le sud-ouest de la France (5e RM) à proximité du CETAP. Les transferts d’effectifs s’effectuent d’octobre 46 à février 47.

Les GAP 1 et 2 sont destinés à constituer des troupes de souveraineté en AFN et sont construits à partir des unités existantes. Ils sont principalement composés d’appelés en provenance de la Métropole. De son côté, le GAP 3 de métropole est appelé à intervenir dans le reste de l’empire (Madagascar, Indochine) et doit être composé d’engagés principalement des troupes coloniales.

La nouvelle structure prévoit également la nomination d’un général adjoint assisté d’un état-major et d’un détachement de QG, positionnés à Alger et chargés du commandement de l’ensemble des troupes aéroportées en AFN.

L’ensemble des unités divisionnaires reste à créer, et s’il est possible de constituer rapidement les GAP 1 et 2 à partir d’Algérie, il n’en n’est pas de même pour le GAP 3 qui ne verra le jour que le 16 avril 1947.

Le commandement de la 25e DAP restructurée est confié au général Demetz qui succède au général Bonjour en octobre 1946. Le général Lecoq devient son adjoint, tandis que les commandements des 3 GAP sont confiés respectivement au colonel Noiret (GAP 1), au colonel Brissaud-Desmaillet (GAP 2) et au colonel Faure (GAP 3).

Le 26 novembre, une nouvelle décision ministérielle vient modifier la 25e DAP à peine remodelée : le commandement est transféré à Paris, le 11e bataillon de choc est intégré à la division tandis que les éléments divisionnaires passent en Algérie.

Organigramme de la 25e DAP au milieu de l'année 1947

Enfin, le 17 février 1947, l’organisation de la division est à nouveau bouleversée. L’infanterie du GAP 1 est restreinte au seul 1er RCP dont deux des bataillons sont en Indochine depuis le 17 janvier pour le 3e bataillon et le 13 février pour le 1er. Celle du GAP 2 est formée par la nouvelle 42e demi-brigade issue du 1er RICAP dissous (1er BPC transféré en Indochine depuis le 13 février et 2e BPC) à laquelle est adjoint le 10e BPCP (ex 10e BCP) de création récente. La 43e demi-brigade parachutiste formera l’infanterie du GAP 3 et comprendra à terme, le 18e BPIC (ex 18e BI), le nouveau III/2e RCP (reconstitué le 16 avril 47) et le 5e BPIC (créé le 1er février 1947).

La fin du modèle divisionnaire ?

À partir de 1948, sous l’influence des anciens SAS de la France Libre et du fait de l’emploi réel des parachutistes, notamment en extrême orient, les mentalités changent et le modèle divisionnaire n’est plus idéologiquement majoritaire.

La décision de dissoudre la 25e DAP est prise par le ministre des forces armées le 1er mars 1948 en accord avec le général Demetz, qui commande la division. L’unité est considérée inadaptée aux missions qui lui sont attribuées à savoir : la défense de l’empire et de la métropole et la possibilité d’être employée dans une opération d’envergure avec nos alliés.

Les causes de cette dissolution sont les mêmes que celles qui ont contribuées à ses réorganisations successives : la pénurie d’hommes liée à la démobilisation et aux ponctions pour l’Indochine et l’Afrique et le manque de moyens, notamment d’avion de transport.

Ainsi disparait la 25e DAP en juin 1948. Elle est remplacée par le Commandement Supérieur des Troupes AéroPortées chargé de superviser l’ensemble des unités parachutistes de métropole et d’Afrique du Nord. Les GAP 1 et 3 sont conservées ainsi qu’un Élément Divisionnaire (EDAP 25), survivance de la division, basé en Algérie, qui regroupe les unités spécialisées (Train, Génie, Transmissions, médical) ainsi que les unités d’appuis (blindé, artillerie) de l’ancienne division.

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